Je parlais l’autre jour musique classique avec un ami français, et la conversation est naturellement tombée sur Claudio Abbado…Je me suis alors entendu dire : « Toi qui es un fan de ce chef d’orchestre senior ». Ce mot –senior- m’a frappé. Jamais je n’aurais pensé utiliser ce terme pour qualifier Claudio Abbado…Certes, mathématiquement, Claudio Abbado est vraiment l’un des « grands anciens » aujourd’hui, mais il reste un chef si novateur, si dynamique, tant lié à la jeunesse que je ne pourrais jamais dire de lui qu’il est un « senior » !
En écoutant, lors de longs trajets en voiture , la symphonie du Nouveau Monde de Dvorak, ou la Pastorale, ou la Septième de Beethoven, je me disais justement que jamais ces pièces ne sonnent sous sa baguette comme des interprétations de la maturité, sculptées dans le marbre duquel on fait les monuments : ce sont des interprétations en devenir, chaque fois d’une couleur différente, toujours incroyablement dynamiques, mouvementées, juvéniles : faire de la musique pour Abbado, c’est d’abord toujours remettre en question ce que l’on fait, remettre sur le métier le travail que l’on fait, lire et relire les partitions, aller toujours de l’avant.
Claudio Abbado a dirigé les institutions les plus prestigieuses au monde dans le domaine musical, et ce parcours là ne peut plus rien lui offrir, lui seul a encore tant et tant à donner.
S’ouvre le temps de la liberté des choix, de la liberté de faire de la musique comme il l’entend, avec des musiciens choisis, pour parcourir encore, de manière différente, les chemins de l’art. Besoin vital de musique, ouverture à toutes les idées, volonté d’aller toujours plus loin, et plus profond, voilà l’Abbado de toujours, celui des années 60, comme celui d’aujourd’hui.
Je porte en moi la phrase d’un critique allemand au sortir d’un concert à Berlin, quelques temps avant la fin de son mandat : « Les Berlinois cherchent un chef jeune : ils l’ont trouvé, il s’appelle Claudio Abbado »
Les lettres parvenues du monde entier au CAI montrent que sans publicité, sans jamais faire parler de lui, Claudio Abbado est un chef présent dans le cœur des mélomanes, qui ont tissé avec lui, si réservé, un lien artistique fort et un lien affectif tout particulier. Dans ce sens, Claudio Abbado n’est pas un « Senior », mais un seigneur de la musique et de la culture.
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