EDITORIAL

Guy Cherqui



















































Parier sur l'avenir

Nous avons trop souvent critiqué la gestion du Teatro alla Scala et l’absence de politique artistique depuis plusieurs années pour ne pas voir dans la démission de Riccardo Muti la seule décision raisonnable possible devant la très grave crise que le théâtre traverse, et la motion de défiance que les personnels ont votée il y a quelques jours. En son temps Claudio Abbado avait su partir à temps à Vienne devant l’hostilité sourde de l’orchestre à son égard, malgré un bilan artistique autrement convaincant.

La personnalisation excessive du pouvoir artistique, conjuguée à une absence criante de projet, rendue encore plus évidente après l’inauguration pompeuse de la Scala rénovée sans vraie dessein pour les deux théâtres (Scala rénovée et Arcimboldi, le théâtre qui durant quatre ans remplaça la salle historique) et le cortège de rivalités internes délétères, résultat de tant d’erreurs, tout cela a amené les personnels à entrer en révolte.

La crise couvait, depuis plusieurs années. Le public lui-même, au moins le public mélomane, commençait à penser que le hiatus entre une presse aux ordres qui applaudissait sur commande et des productions souvent moyennes ou décevantes devenait trop évident. Par ailleurs, même si les qualités intrinsèques de Riccardo Muti ne sont pas en cause, beaucoup notaient à la fois un style interprétatif au moins discutable (certains disent même dépassé), en particulier dans Verdi et même dans Mozart, un refus d’accepter de véritables mises en scène, des choix médiocres pour les chanteurs.

La Scala à l’évidence ne fait plus l’événement, depuis de très (trop) nombreuses saisons. A un fan qui lui demandait quand il reviendrait à la Scala, Zubin Mehta répondit avec un sourire : « La Scala ? c’est un autre pays ! », tant l’impression de fermeture était grande : on ne compte pas les anecdotes : l’orchestre indisponible pour les répétitions de tel (grand) chef, Carlos Kleiber écarté d’Otello au profit du directeur musical, sans parler de la manière dont fut traité Claudio Abbado.

Dans ces conditions, et il nous coûte de le dire, le départ de Riccardo Muti peut permettre à cette institution de renouer avec un vrai projet qui garantisse une relance artistique. Mais le théâtre et le public ont assez souffert de l’absence de Claudio Abbado au pupitre depuis 19 ans pour souhaiter que les rapports du Teatro alla Scala avec le maestro Muti se « normalisent » vite et permettent de ne pas rompre totalement une collaboration artistique, qui dans un autre contexte peut donner encore des fruits merveilleux.

Nous avons dans ce site très souvent critiqué la politique de la Scala, nous aimerions dire que nous avons aussi vibré à l’unisson avec Riccardo Muti quand il nous a fait découvrir Lodoïska, de Cherubini, jamais reprise malheureusement, quand il nous a fait redécouvrir Guglielmo Tell de Rossini, jamais repris non plus, quand, plus récemment, il a merveilleusement dirigé«Armide» de Gluck ou « Les Dialogues des Carmélites », de Francis Poulenc. C’est pour ces moments là que nous l’attendons encore et lui disons notre admiration.

Il faut maintenant parier sur l'avenir, sur une nouvelle équipe, à l'ambition artistique dynamique et novatrice, et surtout sur une politique musicale ouverte, pas forcément d'ailleurs liée à la personnalité d'un directeur musical, - cela peut attendre, Paris par exemple n'a pas de directeur musical- comme il sied à un théâtre dont la renommée et la légende honorent le monde culturel européen et même mondial.

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