LA CHRONIQUE
 DU WANDERER
N°24


La relève assurée


Guy Cherqui

Concert du 2 avril 2004 à Bolzano
 

Gustav Mahler
Das Lied von der Erde
dernière partie
„Abschied“


Soliste
Anna Larsson


Gustav Mahler

Symphonie n°9 en ré majeur

Gustav Mahler Jugendorchester

Claudio Abbado


Bolzano Palasport
2 Avril 2004































































































































































































































Programme singulier offert aux jeunes du Gustav Mahler Jugendorchester: L’adieu (Abschied) du “Chant de la Terre”, et la Symphonie n°9 en ré majeur, autre adieu à la terre. Claudio Abbado veut instiller l’idée que l’adieu n’est pas triste par principe, mais qu’il peut générer, parce qu’il appartient à la vie, des moments de vie intense en plus d’émotions profondes .Il en est allé ainsi à Bolzano l’autre soir, au cours de ce Rendez-vous abbadien traditionnel, où le Gustav Mahler Jugendorchester en résidence a préparé ce programme pascal, et où a été inaugurée la tournée de printemps qui le portera de Saint Petersbourg à Rome…

L’adieu du chant de la terre est à la fois un hymne crépusculaire à la nature renaissante , fleurs, arbres, ruisseaux, et un adieu à la vie terrestre vers un ailleurs azuréen, les derniers mots, ewig…ewig…(« pour toujours …pour toujours ») appellent au voyage éternel, à la fois frémissant et lacérant.

La neuvième symphonie, composée par Mahler dans la douleur, est le moment où l’artiste prend congé de tout ce qu’il aimait, la vie, l’art , la musique, en un tourbillon à la fois mélancolique (1er mouvement) mais aussi ironique et déchirant (2ème et 3ème mouvement, danses macabres où la vie est objet de mépris caustique), pour se conclure par l’approche de la mort au 4ème mouvement qui s’enfonce peu à peu dans le silence, silence final qui fait partie de la musique (Still, écrit Mahler) où le son peu à peu se dilue jusqu’à l’imperceptible.

L’orchestre a démontré une fois de plus sa capacité en peu de temps (une quinzaine de jours de répétitions, dont une semaine avec Claudio Abbado) à dominer ces partitions si difficiles qui mettent si souvent les parties solistes à découvert, et surtout à acquérir une homogénéité et une personnalité sonore qui le projette d’emblée parmi les plus grands. Claudio Abbado d’ailleurs à la fin du concert nous interpellait en nous disant « Hein ? Ils sont formidables !! ». Certes, on se souvient à Salzbourg et Lucerne de l’incroyable technique des Berliner, et de la rondeur de ce son impressionnant qui faisait du dernier mouvement notamment une sorte de soupir infini et de monologue complètement intériorisé. Les jeunes du Gustav Mahler n’ont pas à rougir de la comparaison : c’est en effet la seule qui tienne ! Avec moins d’expérience et moins de maîtrise sans doute, mais autant sinon plus d’enthousiasme et un don de soi absolument étonnant, ils ont proposé une interprétation à la fois énergique, étourdissante, et déjà profondément, et étonnamment mature, on se souviendra de la concentration du jeune contrebassiste vénézuélien Johanne Gonzales Seijas, de l’engagement et de la finesse du violoncelliste français Benoît Grenet, et de la maîtrise absolue du Konzermeister, le violoniste Raphaël Christ, qui a de qui tenir puisqu’il est fils de Wolfram Christ, premier altiste du Lucerne Festival Orchestra, et ex premier altiste des Berliner Philharmoniker. Préparés par des instrumentistes des Wiener Philharmoniker et des Berliner Philharmoniker, ces jeunes musiciens montrent une fois de plus que la relève est assurée.

Anna Larsson a un peu déçu dans la partie soliste du Chant de la Terre, nous aimons sa voix profonde et nous l’avons déjà maintes fois appréciée (notamment dans la 3ème de Mahler, ou bien l’an dernier dans les Kindertotenlieder et les Rückert Lieder à Reggio Emilia). Est-ce l’acoustique de la salle, mais cette fois-ci la voix est apparue plus mate, les graves moins sonores, le souffle plus court, et l’émotion n’était pas au rendez-vous tant le texte semblait peu « senti ».

Au contraire l’orchestre sous la conduite de Claudio Abbado, est apparu à la fois capable de dominer les pièges techniques de la partition, mais d’apporter ce supplément d’âme si important dans des pages aussi lacérantes. On se souviendra du scintillement instrumental qui domine la première partie de « Abschied », mais aussi de l’étourdissant rondeau du 3ème mouvement de la neuvième, emporté dans une sorte de tourbillon infernal, et du final, où l’on passe successivement du son, à la trace sonore et au silence, qui laisse les musiciens en suspension, le geste arrêté dans son élan. Du grand art !

Comme d’habitude galvanisé par les jeunes, Claudio Abbado est apparu en pleine forme, disponible, et annonçant la prochaine création d’un autre orchestre de jeunes, à Bologne, dédié à Mozart, pour l’automne prochain.



























































































































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