La chronique du Wanderer

Le Wanderer - en français "le voyageur", rend compte de ses itinérances, de ses observations, de ses colères et de ses rencontres avec l'exceptionnel. Chacun de nous est le Wanderer: il suffit de nous envoyer un texte qui concerne la musique et plus particulièrement l'activité de Claudio Abbado, et nous le publierons!


Dossiers

Vous voulez en savoir plus sur notre passé, révisez votre italien et allez à la page
Dossiers

WANDERER'S STORY:
cronaca 1
cronaca 2
cronaca 3
cronaca 4
cronaca 5
cronaca 6
cronaca 7
cronaca 8
cronaca 9
cronaca 10
cronaca 11
cronaca 12
cronaca 13
cronaca 14
cronaca 15
cronaca 16
cronaca 17
cronaca 18
cronaca 19
cronaca 20
cronaca 21
(en Italien)

Chronique 1
Chronique 2
Chronique 3
Chronique 4
Chronique 5
Chronique 6
Chronique 7
Chronique 8
Chronique 9
(en Français)

PERSONNAGES
Piero Farulli
Romano Gandolfi
Pierre Boulez
Euro2000
Andrea Concetti

La chronique du Wanderer
N°12



La tournée en Italie et à Vienne (Mai 2002) vue par un de nos Wanderer


Le Wanderer en Italie

Un de nos Wanderer a pu traverser l'Italie aux cotés des berlinois, il raconte

Le Wanderer a eu la chance inouïe et unique de suivre la dernière tournée de Claudio Abbado et l'Orchestre Philharmonique de Berlin qui est passée par Palerme, Naples, Florence, Ferrare, Brescia, Turin et Vienne. Cela lui a permis non seulement d'écouter d'excellents concerts, mais aussi de se plonger dans cette belle Italie au contact de gens fort sympathiques. Inutile donc de préciser que cette expérience le marquera jusqu'à la fin de ses jours.

Quel magnifique accueil, dès Palerme ! voilà une ville splendide, pleine de vie, de pulsions et de renouveau. On sent carrément que la population se réveille d'une longue période de repos et se met à l'ouvrage. Le Teatro Massimo, que les Berliner Philharmoniker ont réouvert voilà 5 ans déjà, brille dans le soleil et semble d'une efficacité nordique. Le premier concert, appelé répétition générale, mais en réalité un vrai concert devant une salle comble, est déjà un triomphe. Abbado est détendu, mais en même temps très concentré. On dirait qu'il est heureux d'avoir les adieux officiels à Berlin derrière lui et de pouvoir se concentrer sur la musique. Il a d'ailleurs souvent dit combien il aime être à Palerme et a rappelé que sa mère était d'origine sicilienne. Très nombreux sont les spectateurs, ce soir là, qui regrettent que ce ne soit pas ce concert-là qui sera télévisé, tant l'atmosphère est joyeuse. Mais c'est à tort cette fois-ci : le lendemain ce sera au moins aussi bien. Orchestre, chef et public sont comme enivrés et tout réussit à merveille. Impossible de savoir qui mérite les plus grandes louanges ! La joie de tous de faire de la musique ensemble, le fameux zusammen musizieren, et de surcroît sur ce programme, si stimulant (Beethoven Egmont, Brahms Concerto pour violon, Dvorak Symphonie du Nouveau Monde, et un incroyable bis l'ouverture des« Vêpres Siciliennes de Verdi, en hommage au lieu, dans une interprétation fulgurante qui laisse loin derrière tout ce qu'on a pu entendre ces dernières années, se communique à tous dans la salle. et sur les écrans de télévision, comme le Wanderer a pu le constater plus tard.

L'étape suivante est Naples, où Waltraud Meier se joint à l'orchestre. Le Teatro San Carlo a été décrit au Wanderer depuis longtemps comme une des salles de théâtre les plus belles d'Italie , et il a l'occasion de la vérifier, la salle est sublime. Le programme, difficile (Rückert-Lieder et la 7e symphonie de Mahler) est interprété de manière stupéfiante, mais on sent que le public n'y est guère habitué, et de plus, cette salle à l'Italienne ne se prête guère à la diffusion du son symphonique.

A Florence aussi il semble que le public ne soit pas habitué à ce type de concert . La salle est moderne et, quoique les Rückert-Lieder soient très émouvants ce soir là belles, un spectateur ne peut se retenir et commence à applaudir dès la dernière note de « Ich bin der Welt abhanden gekommen... », alors que nous sommes tous habitués à un silence concentré. Consternation parmi l'orchestre, son chef et une partie du public. L'atmosphère, qui était très émue, a disparu d'un clin d'oeil. Le Pelléas und Mélisande de Schönberg en souffrira encore.

Heureusement que la ville suivante est Ferrara, où on peut dire qu'Abbado et les berlinois sont «à la maison » : preuve que le public s'éduque-avis aux directeurs artistiques-;Même programme, mais ambiance tout à fait différente. Les Rückert-Lieder sont d'une grande intensité, l'émotion est énorme et à la fin le public garde le silence pendant longtemps. Berlin mis à part, ces Lieder n'ont été mieux nulle part mieux servis. De même pour le Pelléas . L'orchestre joue comme si l'enjeu était vital. L'intensité, la joie, la peur, le chagrin, toutes les émotions de cette pièce se reflètent dans chaque musicien, animés par un chef exalté, avec pour résultat une interprétation sans pareille. Et là aussi le public reste silencieux, ému, flaque d'éternité, comme dirait Rimbaud, et de bonheur. Merveilleux !

Le théâtre qui attend le Wanderer à Brescia est presque aussi beau, mais la salle est plus petite Installer dans cet espace réduit tous les musiciens nécessaires à une 7e de Mahler n'est pas chose facile. Néanmoins les berlinois y jouent cette symphonie avec une grande ferveur . L'interprétation du 6 mai 2001 à Berlin ne sera jamais égalée, mais ce fut une grande soirée qui rentrera dans les annales .

La dernière ville en Italie à faire partie de cette tournée - et donc marquée d'une signification toute particulière - est Turin. Là Abbado et l'orchestre ont déjà souvent joué et donné de magnifiques concerts. Le Wanderer sait que les berlinois ont été contents de pouvoir de nouveau jouer dans une salle de concert, qui ( contrairement à un théâtre) leur donne plus de place, même si ces théâtres italiens sont d'une grande beauté. Malgré cela le Wanderer trouve que la salle du Lingotto a une atmosphère froide et que l'acoustique n'y est pas si bonne. Pour la première fois, chose incroyable, le Wanderer n'a été ému ni par les Rückert-Lieder ni par la 7e de Mahler. Il croit que c'est plutôt la faute de la salle que celle de l'orchestre, mais c'est malheureux néanmoins. C'est donc avec Verlaine (« Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville... ») que le Wanderer quitte l'Italie.

Dernière étape de ce voyage, Vienne.
Depuis plus d'un an le Wanderer se demande comment vont se passer ces deux derniers concerts, tout chargés d'émotions. L'entente entre l'orchestre et son chef n'a jamais été aussi forte, la sympathie, l'admiration, voire l'amour est réciproque,. C'est dans cette situation qu'il faut se dire adieu...Flaubert écrivit : « Les Adieux furent tristes », et pourtant ce ne fut pas la tristesse qui domina ces moments inoubliables.. Les mots manquent tout simplement pour reproduire en paroles ce dont le public a été témoin dans la grande salle du Musikverein. Peut-on aussi décrire des concerts où l'émotion sans doute a dominé la simple audition. Sans doute, avons nous remarqué que, du point du vue technique, on a entendu de meilleurs concerts, mais est-ce si sûr ? Ce qui est sûr c'est que, de mémoire de Wanderer, on n'a jamais rien entendu de plus émouvant ni de plus bouleversant, une des musiciennes des Berliner, Madeleine Caruzzo, première femme à être entrée dans l'orchestre, disait le lendemain « Fabelhaft ! »-« miraculeux ». Ces concerts resteront gravés à jamais. Heureux celui qui a eu la chance d'être témoin de ces soirées là.
Essayons quand même une critique plus ou moins lucide : les Rückert-Lieder ont d'abord de la difficulté à trouver l'atmosphère juste, mais dans « Ich bin der Welt ... » tout y est. A la fin le public est bruyant, même s'il n'applaudit pas. Cela étonne étant donné que nous sommes à Vienne ! Quant au Pelléas et Mélisande : au-delà du commentaire. Hors de ce monde...Bien des spectateurs et des musiciens sont au bord des larmes.
Contrairement aux attentes la dernière soirée est plus sereine que celle de la veille. Là aussi le Wanderer se trouve dans l'impossibilité de décrire quoique ce soit, sauf qu'il a eu l'impression que parmi les musiciens un bon nombre étaient eux aussi si émus qu'ils ont commis des petites fautes. L'émotion humaine a envahi la perfection technique. C'était émouvant aussi de voir que quelques musiciens se sont contentés de tous petits rôles seulement pour faire acte de présence ce soir là.
Voilà donc qu'une association sans pareille tire à sa fin. Le Wanderer est rempli d'émotions contradictoires. D'un côté il est infiniment reconnaissant de tout ce qu'il a eu la joie et la gratitude de pouvoir entendre. D'un autre côté il est très triste. Il ne lui reste qu'à dire merci à Claudio Abbado et à l'Orchestre Philharmonique de Berlin de nous avoir donné tant d'heures de musique magnifique. Mais tout continue et nous serons en janvier 2004 au rendez-vous des retrouvailles !