La cronaca del Wanderer

Le Wanderer - en français "le voyageur", rend compte de ses itinérances, de ses observations, de ses colères et de ses rencontres avec l'exceptionnel. Chacun de nous est le Wanderer: il suffit de nous envoyer un texte qui concerne la musique et plus particulièrement l'activité de Claudio Abbado, et nous le publierons!


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La chronique du Wanderer
N°5



Evviva !

Requiem de Verdi, 27 Janvier 2001, Philharmonie de Berlin


"Rome n'est plus dans Rome, elle est toute où je suis"
Ces paroles de Sertorius, le héros de la tragédie homonyme de Corneille, pourraient être appliquées au Requiem de Verdi que nous avons entendu le 27 Janvier dernier: Ce samedi là, Verdi n'était ni à Milan, ni à Parme, ni à Bussetto ni ailleurs? Non.. ce samedi là, Verdi était à Berlin.

Après tant de "Requiem", entendus dans toutes les salles du monde, sous la direction des plus grands, cette exécution n'était pas un "requiem" de plus, un parmi tant d'autres (notamment en ce jour anniversaire où les programmateurs ont fait très fort?). C'est un grand Moment. Un de ces moments où, on ne sait pourquoi, l'intensité de l'émotion te force à rentrer en toi-même. Pour une fois, nous n'avons pas entendu, comme on le dit toujours, un opéra déguisé en requiem. Aucune mise en scène, aucun tic de l'opéra, mais seulement une interprétation grandiose et ascétique, janséniste, qui créait une filiation directe entre Bach, Mozart et cette Messe de Requiem. Nous avons senti un souffle intense de l'Esprit (il faut bien l'appeler ainsi) qui a porté le public à l'incroyable silence final et puis à l'incandescence enthousiaste . Mes larmes coulaient, oui, sans savoir trop pourquoi.
Une interprétation tout à la fois profondément humaine et spirituelle, qui n 'a laissé aucun espace aux fioritures, aux raffinements gratuits, à la jouissance sonore, à la décoration et au décorum inutiles, mais qui a délivré le message essentiel . Une fois de plus, Claudio Abbado nous a pris par la main pour nous porter à l'intérieur de l'architecture, non pour nous la faire visiter, mais pour nous la faire vivre, comme si l'on entrait dans une immense cathédrale dont on comprenait tout à la fois la structure et le sens.
Ce choix a été senti et compris par chaque artiste du choeur et par chaque musicien de l'orchestre, qui ont chanté et joué d'une manière si intime, si intimement sentie, qu'ils ont relégué au second plan un quatuor de soliste décidément pas à la hauteur de l'événement.
A part Daniela Barcellona, qui sans moyens exceptionnels, a su donner personnalité et sens à ce qu'elle interprétait, nous avons entendu un Julian Konstantinov banal dans l'expression, sans caractère particulier ni au niveau vocal ni au niveau musical. Mais nous sommes restés profondément étonnés et déçus de la prestation du couple vedette Roberto Alagna - Angela Ghiorghiu. Alagna était souvent aux limites de la justesse, notamment au début, ne semblait pas concerné, il était difficile de reconnaître la voix solaire qui nous avait tant séduit dans le Boccanegra de Salzbourg. Quant à Madame Ghiorghiu, elle est resté en deçà de l'attente, elle aussi, avec une irrégularité rare qui laissait alterner des moments vraiment séraphiques (il y en a eu ) et des moments souvent scandaleux pour une artiste de ce niveau: on ne peut, à ce niveau, ne pas être en mesure de manière répétée, on ne peut, à ce niveau, ne pas être dans le ton de manière répétée et entraîner les collègues dans le naufrage, on ne peut, à ce niveau et dans ces circonstances, avoir des attitudes peu adaptées au lieu, au moment et à l'oeuvre, y compris au moment des saluts ! On se prenait à penser que les problèmes provenaient justement des deux superstars du chant que les maisons de disques veulent nous vendre à grand renfort de placards publicitaires comme le "couple lyrique" par excellence, il suffisait d'ailleurs de voir l'insert mis dans le programme de salle. Ce "Requiem" a confirmé , au niveau simplement "mercantile", que la qualité de star ne constitue pas une garantie musicale, et que, contrairement à ce que les chanteurs eux-mêmes pensent souvent, on peut, malgré eux, arriver à offrir une interprétation mémorable (pensons par exemple aux disques de Toscanini, souvent chantés de façon médiocre)
C'était le cas ce 27 janvier: malgré un quatuor médiocre, nous avons été mis devant un pan essentiel de l'Histoire de l'interprétation musicale .
Sans doute, au milieu de cette émotion collective qui étreignait musiciens et public, il y a avait là aussi la joie de voir le Chef complètement concentré, visiblement ému, mais en même temps détendu et heureux au delà des traces visibles que sa maladie récente laissait encore. C'était pour nous un modèle de vitalité, il nous entraînait à aller toujours plus avant dans notre vie, vers les autres en même temps vers nous mêmes dans notre plus totale intimité, un incroyable bonheur et un honneur pour la Vie.
Evviva!

G.Verdi . Messa di Requiem

Berliner Philharmonisches Orchester
Claudio Abbado
Coro Orfeon Donostiarra
(dir:José Antonio Sainz Alfaro)
Schwedischer Rundfunkchor
Erik Ericsson Kammerchor
(dir: Bo Wannefors)
Roberto Alagna, ténor
Julian Konstantinov, basse
Angela Ghiorghiu, soprano
Daniela Barcellona, mezzosoprano