LUCERNE ET LA PRESSE

Le Temps
21
août 2006
AP/Keystone/Urs Flueeler

18 AOÛT
19h30
19AOÛT
18h30
KKL LUCERNE

Brahms
Concerto pour piano et orchestre n°2

Maurizio Pollini
Piano

Anton Bruckner
Symphonie n°4


LUCERNE FESTIVAL
ORCHESTRA
Claudio Abbado













































































































































































































































































































 

et autour


Abbado, l'infaillible

Critique.

Rocco Zacheo
Le Temps,
Lundi 21 août 2006

Il faudrait laisser cet espace vierge de toute encre et abandonner les velléités de rapprocher des mots d'un événement qui n'inspire que le silence. Ce même silence qui, pendant de longues secondes, a plané vendredi soir dans la salle pleine à craquer du Lucerne Festival, lorsque Claudio Abbado a fait descendre lentement la baguette sur les dernières notes de la Symphonie N°4 de Bruckner. Dans un futur éloigné, on se souviendra du chef italien comme d'un démiurge qui aura rendu vain le mot. Sa musique se soustrait à l'explicable, car il demeure périlleux, sinon impossible, de comprendre comment cet homme menu peut rendre aussi sensibles les pianissimi; comment il réussit à redéfinir avec une telle finesse et une maîtrise totale du sujet les tableaux d'une œuvre aussi riche que celle de Bruckner. On pense aux scènes de chasse du «Scherzo», et à ses cuivres lumineux, ou encore au funèbre «Andante, quasi allegretto» avec des archets et un violoncelle à vous ôter le souffle. D'une gestuelle élégante, Abbado enchaîne les mouvements en rendant souple et solaire la dramaturgie de cette symphonie et fait briller une fois de plus la relation unique qu'il a su établir avec cette élite de musiciens entièrement dévouée à sa cause qui forme le Lucerne Festival Orchestra (Quatuor Hagen, Sabine Meyer, le Mahler Chamber Orchestra...).

Une relation entretenue par ailleurs depuis longtemps avec Maurizio Pollini, qui ouvrait le programme avec le Concerto pour piano et orchestre N°2 de Brahms. Dès la première cadence en arpèges, on mesure la légendaire sobriété de son jeu. Le pianiste va à l'essentiel avec un toucher parfois dur et austère, une utilisation raréfiée de la pédale et une absence totale de maniérisme dans les passages lyriques qui suivent («Allegro Appassionato»). Ce sont là les caractéristiques qui font depuis longtemps de Maurizio Pollini un inconditionnel du sens littéral de la partition et qui ont donné vie à la deuxième magie de cette soirée inoubliable.