LA CHRONIQUE
 DU WANDERER
N°35


L'auditorium de Lucerne (Arch.Jean Nouvel)


Toujours plus
Guy Cherqui


10-11 Août
19h30

Wolfgang Amadé Mozart
Arien u.Motteten
Cecilia Bartoli, mezzosopran
(10 Août)

Frank Martin
Sechs Monologe aus "Jedermann"
Thomas Quasthoff, bass
(11 Août)

Gustav Mahler
Symphonie n°6
(10 & 11 Août)




Lucerne Festival Orchestra
CLAUDIO ABBADO


16 Août
19h30

Giorgio Battistelli
Experimentum Mundi

Wolfgang Amadé Mozart
Arien
Hector Berlioz
Tristia
Giuseppe Verdi
Te Deum
(de "Quattro pezzi sacri")





Lucerne Festival orchestra
CLAUDIO ABBADO


18 Août
19h30
19 Août
18h30


Johannes Brahms
Concerto pour piano et orchestre n°2
Maurizio Pollini, Piano


Anton Bruckner
Symphonie n°4
"romantique"

Lucerne Festival orchestra
CLAUDIO ABBADO


































































































































































































































Pour la quatrième fois, Claudio Abbado inaugurait le Festival de Lucerne avec son Lucerne Festival Orchestra partiellement renouvelé, sans Berliner Philharmoniker, sans quatuor Hagen, mais avec de nouveaux éléments de très haute qualité, le jeune Raphaël Christ, premier violon de l'orchestre Mozart, le fils de Wolfram Christ, comme chef de pupitre des violons II, Albrecht Mayer, le hautbois magique remplacé par un autre magicien du hautbois, Kai Frömbgen, du Bamberger Symphoniker (l'orchestre où débuta justement comme hautbois solo Albrecht Mayer), Jens Peter Maintz (Universität der Künste Berlin), comme violoncelle solo, mais ces changements (de qualité) n'affectent en rien l'admirable homogénéité et le son somptueux de cet orchestre exceptionnel.
Pour ces deux premiers concerts, deux programmes partiellement différents, ouvrant le 10 avec Cecilia Bartoli, le 11 avec Thomas Quasthoff, avec à chaque fois en deuxième partie la Symphonie n°VI de Mahler.
L'ouverture du Festival, événement politique, mondain, culturel, justifie l'appel à une star du disque comme Cecilia Bartoli, souriante, épanouie, qui présente trois airs, "chi sa chi sa qual sia", Kv 582, l'air de Sextus de "La Clemenza di Tito" (Acte I sc.9) "parto, parto" Kv.621 et le Motet "Exultate Jubilate" Kv.165, en bis le popularissime "Voi che sapete" de "Le Nozze di Figaro".
Cecilia Bartoli est une phénomène discographique avant que scénique. Tout simplement parce que, sans grande, voix, sans aucune projection vocale, seuls les micros peuvent mettre en valeur une redoutable et étrange technique faite de gargarismes et non de vocalises, d'une vraie science de l'interprétation qu'on perçoit dans "Tito" et qu'on admire dans "Figaro". On comprend dès lors que sa carrière évite les théâtres italiens, dont le public ne pardonnerait pas ces manques vocaux et cette technique inhabituelle. Il reste que l'artiste est sympathique, et qu'elle s'en sort avec les honneurs d'un bon succès qui n'est pas un triomphe. Qu'importe, le disque ou le DVD se vendra bien: un affiche Bartoli-Abbado est synonyme de bonnes rentrées pour Universal.
Toute autre ambiance pour Frank Martin et le mysticisme de ces six Monologues extraits de "Jedermann" de Hugo von Hoffmansstahl, ce mystère moderne représenté chaque été sur parvis de la Cathédrale de Salzbourg. Thomas Quasthoff est irremplaçable dans ces pièces déjà entendues en 2005 à Berlin, toutes en tension, en intériorité, avec un orchestre d'une précision incroyable (notamment dans les deux premières pièces) et qui sait créer l'indispensable intimité presque chambriste qui sied aux dernières. La voix claire et profonde, la prononciation exemplaire et l'art de l'émission et de la projection (toutes qualités dont, soit dit en passant, madame Bartoli pourrait s'inspirer) font de ces Monologues un moment "suspendu", qui cadre parfaitement avec la symphonie de Mahler qui suit. Ce moment de recueillement se clôt sur un triomphe total de l'artiste rappelé plusieurs fois. Grand moment.
Que dire de la sixième symphonie? Epargnons nous tous les superlatifs et disons que, de la générale au deuxième concert, nous avons volé de sommets en sommets, de plus en plus hauts, peut-être inaccessibles désormais, sinon dans notre souvenir étourdi et douloureux. Etourdi de surprise, douloureux de l'incroyable profondeur, du bain de son inouï, de cet océan de perfection. De cette complexité intense, il ressort pourtant une impression de clarté cristalline, un engagement de chaque pupitre, il n'est de voir l'engagement physique des cordes, qui sonnent comme une seule voix (ah! ces rubatos!), l'incroyable perfection de la petite harmonie menée par Sabine Meyer, le son sans scories du cor d'Alessio Allegrini, la découverte du hautbois de Kai Frömbgen, la légèreté des contrebasses, la douceur des trompettes (même lorsqu'elles joue fortissimo), dans ce rugissement qu'est le dernier mouvement chacun sonne en pleine domination du son produit: le moindre coup de timbale garde une suavité, une subtilité jamais entendues ailleurs. Cadeau divin que ce Mahler de Lucerne, qui renouvelle toute l'écoute Mahlérienne et qui ouvre d'autres horizons. Le long silence qui a conclu la première soirée, d'un public abasourdi, plongé dans une sorte de douleur intense, et l'enthousiasme des musiciens de l'orchestre qui s'embrassaient les uns les autres et qui nous prirent à témoin à la sortie des artistes ("c'était bien, hein, encore mieux qu'hier, non?) en disent plus long que toutes les critiques, aussi nous arrêterons nous là.
Guy Cherqui

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