ABBADO ET LA PRESSE

Le Temps
19 août 2003

17 août
18h30

Bach
Concertos Brandebourgeois n°1 à 6 BWW 1046-1051

Membres du
Lucerne Festival orchestra

CLAUDIO ABBADO

et autour



Claudio Abbado et Bach: mariage insolite et réussi à Lucerne

FESTIVAL. Dimanche, le chef italien dirigeait les six «Concertos brandebourgeois».

Tristan Cerf,
LucerneMardi 19 août 2003
Rubrique: culture

Pourquoi diable écouter Claudio Abbado dans les Concertos brandebourgeois? Pourquoi s'intéresser à l'interprétation «sur instruments anciens» d'un Bach surjoué et ce, par un spécialiste des XIXe et XXe siècles? Durant sa longue carrière à la Scala de Milan (1968-1986), au Wiener Staatsoper (1986-1991), puis au Berliner Philharmoniker (1989-2002), Claudio Abbado ne fut, à juste titre, pas très porté sur la chose baroque. A peine son immense discographie contient-elle l'enregistrement de la Messe en si, de la Passion selon saint Matthieu et des Quatre Saisons de Vivaldi. Tout cela noyé dans 18 albums de Brahms, autant de Mahler et 15 de Verdi, notamment! Pourquoi jouait-on donc à guichets fermés, dimanche, dans la salle du KKL (1800 places)? Et pourquoi cette ovation finale du public? Pour Bach? Pour Abbado? Pour le petit groupe de solistes tirés du Lucerne Festival Orchestra? La réponse est vite apparue aux sceptiques habituels: pour le génie réuni des trois. Dimanche, Claudio Abbado a dirigé les Brandebourgeois dans un ordre insolite: les 4, 3 et 5 avant la pause, puis les 1, 6 et 2 ensuite. Il a réussi ainsi à créer une suite cohérente et crescendo – flûtes à bec d'abord; cordes uniquement; flûte traversière (Emmanuel Pahud) et clavecin (Michele Barchi); hanches (Albrecht Mayer au hautbois); violes et violes de gambe et, pour finir en fanfare, hautbois et trompette (Reinhard Friedrich). Claudio Abbado parvient ainsi non seulement à profiter de l'excellence de musiciens qu'il connaît bien (on ajoutera à la liste: Rainer Kussmaul et Renaud Capuçon chez les violons) pour imposer aux Brandebourgeois une rigueur d'interprétation digne des meilleurs spécialistes du baroque, mais, en plus, il y ajoute sa maîtrise parfaite de l'équilibre – Ah! Le dialogue sublime de la flûte et du violon; la ligne mélodique de chaque instrument, mise en lumière par le contrôle du volume des autres registres! Pour l'insolite: on trouvera encore à Claudio Abbado une géniale gestion du continuo: gardien ferme et discret d'une pulsation régulière.