REOUVERTURE DE LA SCALA Le Monde Riccardo Muti
opéra d'Antonio Salieri Luca Ronconi (mise en scène), Le 7 décembre.
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La Scala rouvre NdR: l'article ci-dessous contient des erreurs importantes, notamment sur le prix du billet marché noir (le prix officiel étant 2000€ à l'orchestre, 1500 € pour du marché noir paraissent modestes) plus grave, ni Riccardo Chailly, ni Daniele Gatti n'ont eu de fonctions à la Scala, mais bien Claudio Abbado, enfin, on peut difficilement affirmer sans rire que "l'influence de Riccardo Muti, directeur artistique respecté dans le monde entier mais sans grand pouvoir à Milan, est bridée par la loi." © Le Monde; 09.12.2004
Un opéra de Salieri rouvre la Scala de Milan LE MONDE | 08.12.04 | 14h08 Après la soirée de mardi, avec l'œuvre qui inaugura le 3 août 1778 le célèbre opéra, la véritable saison doit commencer le 10 mars 2005. Milan de notre envoyé spécial La réouverture du théâtre de la Scala, mardi 7 décembre, à Milan, a, pour les Italiens, la saveur d'un tour de magie réussi. Entrepris il y a trois ans, le chantier s'est achevé le jour dit, sans dépassement excessif de budget - 61,5 millions d'euros au lieu des 56 millions prévus. "Un vrai miracle" pour de nombreux commentateurs, y compris les responsables du projet. Les Milanais se souviennent du cri du cœur de Giorgio Strehler lors de l'inauguration de "son" nouveau Piccolo Teatro, le 14 mai 1996. "J'ouvre le théâtre de la honte", avait-il alors lâché, faisant allusion aux dix-huit ans de travaux qui avaient fait grimper la facture de 9 à 70 milliards de lires. Cette fois, le maire de la cité lombarde, Gabriele Albertini, a pu se féliciter d'"une efficacité à la Habsbourg", en référence à Marie-Thérèse d'Autriche, qui avait fait réaliser le théâtre en deux ans par l'architecte Giuseppe Piermarini. Prévu pour recevoir l'art lyrique et se transformer à l'occasion en salle de bal, le bâtiment avait été inauguré le 3 août 1778 aux accents de l'Europa riconosciuta, cette œuvre d'Antonio Salieri choisie à nouveau en 2004 pour célébrer la renaissance du lieu. Les 2 000 privilégiés, dont certains ont payé jusqu'à 1 500 euros, au marché noir, un fauteuil d'orchestre, ont pu avoir l'impression d'un saut en arrière dans l'Histoire. Après trente mois de soins patients, le mythique temple de l'art lyrique a repris ses couleurs d'origine. Des dizaines d'artisans, sous l'autorité de l'architecte Elisabetta Fabbri, ont sublimé marbres, parquets, moulures, ors et velours. Une restauration à l'identique, comme pour la Fenice à Venise, mais plus encore une profonde "restructuration" qui place à nouveau la Scala parmi les joyaux les plus techniquement avancés du monde lyrique. Le traitement des sols, par exemple, à base de bois de chêne rouvre, a réveillé une acoustique que la reconstruction de 1946, au lendemain des bombardements américains, avait affadie. UN AJOUT DE MARIO BOTTA Mais le vrai renouveau du théâtre milanais se situe sur et derrière la scène. Le plateau et l'arrière-plateau en forme de L représentent désormais un espace de 1 650 mètres pouvant accueillir les scénographies les plus ambitieuses. Les choix techniques de la machinerie autorisent le montage simultané de trois spectacles, ce qui devrait donner souplesse et dynamisme à la programmation. Cette saison, 118 représentations pourront être données contre 80 auparavant. La tour scénique est si vaste que plusieurs salles de répétition ont été aménagées dans les étages. Enfin, une autre tour, en forme d'ellipse, abritant bureaux, loges d'artistes et services techniques, crève le toit du vénérable bâtiment pour s'élever à plus de 30 mètres du sol. Cet ajout de l'architecte suisse Mario Botta, que l'on aperçoit par-delà la façade néoclassique, est pour l'heure le seul sujet de polémique. "Mario Botta n'a pas résisté à la tentation de mettre sa signature sur le théâtre, mais son ellipse est inutile, elle n'a rien à voir avec l'ensemble de la place", a regretté Vittorio Gregotti, l'architecte du Théâtre des Arcimboldi, la "Scala bis" inaugurée le 19 janvier 2002 dans la banlieue milanaise. C'est là, dans cette salle moderne érigée dans une ancienne zone industrielle, que la Scala a déménagé pendant les travaux. Un exil auquel se sont toujours refusés les mélomanes les plus traditionalistes. Regroupés dans des associations comme Les Amis de la Scala, qui compte quelque 200 associations sœurs de par le monde, ils espèrent beaucoup de la Scala retrouvée. Après cette soirée inaugurale, donnée symboliquement le jour de la Saint-Ambroise, date sacro-sainte de la rentrée lyrique à Milan, la véritable saison commencera le 10 mars 2005, une fois les derniers aménagements effectués. "Nous attendons que les promesses soient tenues : plus de productions, plus de représentations, plus de facilités d'accès pour nos membres", explique Giannino Tenconi, le président des Amis du Poulailler (2 000 inscrits), qui regrette "un certain fléchissement artistique, ces dernières années, par rapport à la qualité à laquelle nous avait habitués la Scala". LUTTE DE POUVOIR Les fidèles désignent ainsi du doigt la direction du prestigieux théâtre, qui souffre de querelles intestines. Ils rappellent que l'âge d'or de la Scala et son prestige international ont culminé au temps où elle bénéficiait d'une direction artistique puissante, personnalisée par deux Milanais, Riccardo Chailly et Daniele Gatti. Aujourd'hui, l'influence de Riccardo Muti, directeur artistique respecté dans le monde entier mais sans grand pouvoir à Milan, est bridée par la loi. Le texte qui régit l'organisation des institutions musicales précise que, "nommé et révoqué par le surintendant", le directeur artistique "agit de manière consultative plus que décisionnelle". La lutte de pouvoir entre le célèbre chef d'orchestre et Carlo Fontana, le surintendant, avait pris un tour particulièrement acide au cours de l'été 2003. Carlo Fontana, 57 ans, dirige l'institution milanaise depuis 1990. C'est lui qui a réalisé sa transformation en une Fondation bénéficiant de l'apport du privé, puis lancé l'idée de grands travaux quand il s'est avéré que le théâtre de Giuseppe Piermarini ne répondait plus aux normes de sécurité. Sous son règne ont été construits le Théâtre des Arcimboli, désormais propriété de la commune de Milan, et les Laboratoires de la Scala. Au total, 120 millions d'euros auront été investis par l'Etat, la ville de Milan et de nombreuses entreprises privées (Pirelli, Mediaset, Eni, Enel, etc.) pour les trois implantations du "système Scala". Le bon achèvement des travaux de la Scala ne devrait toutefois pas modifier le destin de M. Fontana, dont le mandat ne sera pas renouvelé en novembre 2005. L'opposition entre le gestionnaire et le musicien a été réglée, à l'automne 2003, par l'arrivée d'un troisième homme, Mauro Meli. Surintendant du Théâtre de Cagliari, celui-ci était précédé par la réputation d'avoir bien relancé artistiquement l'institution sarde, mais en creusant un déficit de plus de 20 millions d'euros en cinq ans. Mauro Meli occupe pour l'instant les fonctions assez vagues de "directeur de la division Scala". Ses amis le disent promis à la succession de M. Fontana, tandis que d'autres évoquent Valentin Proczynski, un agent de chefs d'orchestre et de chanteurs. Les observateurs demandent aujourd'hui l'ouverture d'un nouveau chantier, en vue d'"un projet artistique fort". Jean-Jacques Bozonnet • ARTICLE PARU DANS L'EDITION DU 09.12.04
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