LUCERNE ET LA PRESSE
Le Monde 17-18 AOÛT Alban Berg Franz Schubert Gustav Mahler
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et autour Musique : le Lucerne Festival Orchestra et Claudio Abbado transfigurent Mahler LE MONDE | 19.08.05 | LUCERNE (Suisse) de notre envoyé spécial En 2003, Michael Haefliger s'est aussi payé le luxe de ressusciter feu l'Orchestre du Festival de Lucerne, une formation d'élite imaginée en 1938 par deux chefs d'orchestre, le Suisse Ernest Ansermet et l'Italien Arturo Toscanini, qui allait perdurer jusqu'en 1993. Rebaptisé Lucerne Festival Orchestra et dirigé par l'Italien Claudio Abbado, cet orchestre non permanent est parvenu, en trois étés, à voler la vedette aux paquebots symphoniques de luxe venus mouiller au bord du lac des Quatre-Cantons ¬ - cette saison, ce sont le Concertgebouw d'Amsterdam, l'Orchestre de Cleveland, l'Orchestre symphonique de Chicago, les Philharmoniques de New York et de Vienne. Le Lucerne Festival Orchestra qui, en octobre, donnera à Rome ses premiers concerts en tournée, dans la nouvelle salle de concerts construite par Renzo Piano ¬ - Paris sera bientôt la seule ville d'importance en Europe à n'être point équipée d'une salle de concert symphonique moderne ¬ - est un cas. Il est composé de musiciens "du plus haut niveau", mais en l'occurrence, la formule est à prendre stricto sensu . En sus des membres du Mahler Chamber Orchestra (également fondé par Abbado), qui en constituent la base, on y trouve les meilleurs solistes des formations symphoniques (lesquels occupent sans rechigner, les rôles de musiciens du rang), mais aussi des concertistes tels que la grande violoncelliste Natalia Gutman. Elle n'y tient d'ailleurs pas le rôle de violoncelle solo, dévolu à un collègue dont c'est le métier, au sein de l'Orchestre philharmonique de Vienne. On y reconnaît aussi la clarinettiste Sabine Meyer, le trompettiste virtuose Reinhold Friedrich et des membres de quatuors à cordes éminents comme le "jeune" Quatuor Hagen ou le légendaire Quatuor Alban Berg... TEMPÊTE INTÉRIEURE Le miracle est que tout cela fonctionne, aussi bien et peut-être mieux qu'il en va avec les vénérables institutions symphoniques qui fondent leur réputation sur leur tradition multiséculaire. Dans les Altenberg Lieder (1912), cartes postales de l'âme aux aphorismes d'une violence extrême, chantées banalement par Renée Fleming, les détails de couleurs de l'orchestre d'Alban Berg sont révélés comme par un mystérieux procédé chimique. Dans l'accompagnement de Marguerite au rouet, de Franz Schubert, dans la version orchestrée par Max Reger, on entend pour une fois non le mouvement lancinant du rouet mais les vagues d'une tempête intérieure. Un lied de Schubert transfiguré par l'orchestre ? On croit rêver. Le rêve sera total dans la seconde partie du programme, dévolue à la plus difficile et la plus énigmatique des symphonies de Gustav Mahler, la Septième (1904-1905), dont les fragmentations et les alliages paradoxaux, les dialogues du sublime et du trivial laissent beaucoup de chefs et d'auditeurs sur le bord du chemin. Dirigée avec la clarté véhémente de Claudio Abbado, faite d'un lyrisme éperdu mais juste, cette composition ¬ - notamment son très curieux avant-dernier mouvement, avec guitare et mandoline obligées ¬ - se dresse comme un monument essentiel du XIXe siècle finissant ou du XXe commençant, c'est selon. A cette exécution malhérienne d'anthologie, qu'on devrait voir reportée dans quelques mois sur DVD ¬ - ainsi qu'il vient d'être fait d'un concert de la Cinquième Symphonie , enregistré durant l'été 2004 (1 DVD www.euroarts.com) ¬-, le public tonitruant a adressé une ovation debout longuement prolongée et hautement méritée. ________________________________________ Altenberg Lieder op. 4, d'Alban Berg, Trois Lieder avec orchestre, de Franz Schubert, 7e Symphonie, de Gustav Mahler, par Renée Fleming (soprano), Lucerne Festival Orchestra, Claudio Abbado (direction).
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